Quand on ne peut plus faire de suite à une licence à succès, il reste toujours une solution de relancer les planches à billets : bricoler un prologue ! Marcus Fenix ne veut plus trouer de Locuste ? Pas grave, on va faire une beauté à Damon Baird et Augustus Cole et les balancer dans le passé, juste après l'émergence des Locustes. Après tout, eux aussi sont des vétérans de la série. On rajoute Sofia, une jeune recrue de la division Onyx qui porte très bien la combinaison officielle et Paduk, un pas-beau-russe-mais-gentil-quand-même et le compte est bon. Quatre protagonistes, une histoire capilotractée scribouillée sur une nappe et c'est parti : Gears of War est de retour. Reste à savoir si c'est une bonne chose...
Escouade Kilo au rapport ! Le patron des TPS bourrins revient pour expliquer qu'il est toujours le roi du genre. Mais attention, cette fois Epic lâche son bébé et ce sont les Polonais de People Can Fly (Painkiller, Bulletstorm) qui ont été chargés du développement. Bonjour le cadeau empoisonné. Après 7 ans et 3 jeux mondialement connus pour leur action jouissive et décérébrée, pas facile d'apporter sa touche et de faire évoluer la licence sans se mettre les fans (et la maison mère) à dos. Je suis sympa, je vous balance tout de suite le truc le plus pénible : les contrôles ont changé. Pas beaucoup, hein. Juste assez pour rendre dingues les accrocs de la série... Ne me demandez pas pourquoi, ce n'est pas comme si le gameplay avait besoin de ça, vu que c'est exactement le même !
La hiérarchie, c'est sacré
Pour articuler les différentes parties de la campagne, qui se fera, comme avant, en solo ou en coopératif, le scénario nous sort donc une histoire de procès, dont GoW tire son titre. Baird et sa bande sont accusés par le colonel Ezra Loomis d'avoir "un peu" fait exploser un truc interdit. Pour sauver des vies, mais c'était contraire aux ordres. Les ordres de Loomis, évidement, crétin catégorie AAA comme seule une administration bornée peut en façonner. Le personnage est tellement caricatural, la situation tellement grotesque qu'à aucun moment on ne se sent concerné par l'histoire. En gros, vous êtes jugé alors que des troupes d'élite se font massacrer à l'extérieur du bâtiment. Parce que les Locustes, eux, ils continuent de faire la guerre, pendant que ce crétin à moustache se tripote les galons. C'est bien simple, savoir comment il allait crever est très vite devenu ma seule motivation pour avancer.
Chaque personnage va passer "à la barre", raconter sa version des faits (et donc vous offrir quelques chapitres de jeu), se faire insulter par la tête à claques en chef et hop, on enchaine avec le personnage suivant. Sans oublier une cutscene qui vous fait comprendre que dehors, c'est l'enfer. Mais ça, Loomis, il s'en fout, il se croit surpuissant. Les aventures de votre équipe sont tellement passionnantes qu'une paire d'heures après avoir bouclé le jeu, j'avais déjà oublié ce qu'ils ont vraiment accompli d'héroïque. Alors qu'on a tous encore en tête des moments mémorables des précédents épisodes... Ca donne le niveau. Pas de scène de folie, pas de monstre épique, un final mou du genou : ce GoW ne brille pas par sa mise en scène.
Héritage en or
Il ne brille pas, mais il "fait le taf". C'est beau, parfois vraiment magnifique, même, et dès l'intro on sait que ce GoW ne décevra pas techniquement. Tout est parfaitement maitrisé. C'est fluide, la partie audio régale les cages à miel et si la direction artistique ne bouge pas dans les grandes lignes, ça fait plaisir de voir que chez PCF (rien à voir avec un parti politique...), ils ont autre chose que du marron dans leur palette de couleurs. J'ai même vu du bleu pétant sur un building ! Juré ! Bon, c'étaient des drapeaux, mais ça reste du jamais vu ! OK, je me calme sur les points d'exclamation... Je taquine, mais clairement, la réalisation de cet épisode est difficilement attaquable. Du bon boulot, qui prouve une fois de plus le sérieux des équipes de PCF sur ce plan-là.
Same same, but different
Cet intertitre, c'est le dialogue inévitable que vous avez avec les vendeurs de copies de montres, fringues et j'en passe quand vous vous baladez en Asie du Sud-est. J'ai le T-Shirt "Same same" devant, "but different" dans le dos, je le sais. PCF peut en acheter un stock, car il résume parfaitement ce Gears of War : Judgment. En surface, c'est exactement la même chose qu'avant. Quant aux différences, elles ne sont pas toujours positives, mais voyons ça dans l'ordre...
On retrouve le même gameplay TPS lourdingue, surtout au corps à corps, la même sensation d'oppression quand votre personnage cavale, les mêmes méthodes pour se mettre à couvert, etc. La seule réelle innovation côté campagne concerne les missions déclassifiées. En gros, à chaque début de chapitre, vous allez croiser un logo Gears rouge, bien visible. En l'examinant, le jeu va vous proposer une version épicée du passage qui arrive. Plus d'ennemis, des Locustes plus robustes, moins de munitions, visibilité réduite, interdiction d'utiliser autre chose qu'un flingue de base, tout est possible. Et libre à vous de la jouer casu' en refusant le défi pour avoir la map "de base".
Addiction aux succès
La seule différence dans le cas où vous acceptez ces contraintes supplémentaires, c'est que vous allez avoir plus de points / étoiles en fin de map. Accessoirement, vous allez aussi beaucoup plus serrer les fesses et vous amuser, sans avoir à monter le niveau de difficulté général. Et ça, c'est bien ! Côté bidules à collectionner, succès à débloquer, PCF n'a pas fait dans la dentelle, il y en a des tonnes. Si ce genre de truc vous éclate, préparez-vous à refaire certains passages en boucle.
Notez que les étoiles accumulées avec vos performances sur chaque mission permettent de débloquer un épisode supplémentaire nommé "Conséquences". On se dit "chouette, quand y'en a plus, y'en a encore !". Oui, mais pas beaucoup... Sorte de DLC tellement insipide qu'il est offert gratos, ce "truc" offre environ 1 heure de jeu supplémentaire, et n'a aucun rapport avec la choucroute. Ca se passe pendant GoW 3, et autant vous prévenir : ça n'a strictement aucun intérêt. Le code qui permet d'avoir GoW 1 gratos est cent fois plus sympa, croyez-moi !
Rayon bricolage
Si on retrouve les classiques de la série côté outils à dessouder du Locuste, PCF a quand même rajouté quelques babioles amusantes, attribuées à l'URI (Union des Républiques Indépendantes), les ennemis "pré-locustes" des COG (CGU en VF, Coalition des Gouvernements Unis). Un nouveau lance-grenades et un fusil de snipe semi-auto sont mes préférés du lot, même si on passe son temps à dépoussiérer ce bon vieux Lancer et sa tronçonneuse adorée.
En vieux fan de Team Fortress et de la classe des ingénieurs, ma nouveauté préférée concerne les tourelles automatiques que l'on peut placer dans certaines missions. Il faut les protéger, les recharger et elles sont une aide précieuse quand on sait où les positionner. Accessoirement, ça sert aussi de tutoriel pour les innovations du mode multi !
Plus on est de fous, plus on saigne
Les inévitables modes Deathmatch et Team Deathmatch sont bien là, tout comme le classique Domination (capture de points). Mais les habitués risquent de couiner quand je vais leur dire que le mode horde à disparu ! Il est remplacé par un mode nommé Survie. Dix vagues d'ennemis et basta. La seule "nouveauté" intéressante est le mode Invasion. Locustes et humains s'affrontent sur (seulement) quatre maps. A chaque fois, un camp défend pendant que l'autre attaque. Si l'objectif est atteint par les attaquants, les défenseurs "reculent" sur la carte. Un peu comme dans Team Fortress 2. Du reste, ce GoW s'inspire de ce genre de titre puisqu'on voit apparaitre un système de classes. Ingé, scout, médic et le bourrin de base pour les COG, avec à chaque fois une arme et un pouvoir spécifique. L'ingé peut déployer des tourelles, le scout grimper sur certains obstacles pour sniper tranquille, etc. Les Locustes, eux, disposent de leur version de ces classes, avec en prime un système de points qui permet de débloquer des classes plus puissantes, pour avoir une chance d'enfoncer les défenses. L'idée est louable, mais mettre des classes dans un jeu en 5v5, dans des maps avec 2 passages principaux, ça risque de ne pas passionner les foules très longtemps...
C'était bon ?
Pour décrire ce GoW, l'analogie la plus simple qui me vient à l'esprit, c'est un repas au McDo. Celui de la photo des pubs... On sait que c'est gras, que notre corps déteste ça, mais tant pis : on y va quand même. Le plaisir coupable, la facilité, on sait quoi commander... Tout ça, c'est GoW : Judgement. Très loin d'être un mauvais jeu, il reste un GoW moyen (donc un bon jeu), une sorte de spin-off mal assumé, sans sa star principale et avec des ajouts parfois intéressants, mais jamais marquants. Un produit qui décevra les fans, sans pour autant les enrager, et qui passera totalement inaperçu pour les autres. Cette série mérite mieux et j'espère qu'Epic nous offrira une véritable suite. Quelle meilleure occasion que la Next-Gen qui arrive ?